

Publié le 6 février 2025 à 11h40
Grand montréal
Bientôt la fin des minibus en transport adapté à la STM
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
La Société de transport de Montréal (STM) avait dévoilé en 2021 un nouveau modèle de minibus électrique destiné au transport adapté, mais le tout sera abandonné.
La Société de transport de Montréal (STM) transférera d’ici 2026 son service de minibus pour les personnes handicapées à l’externe, en se tournant vers le modèle de taxis collectifs qu’elle juge plus performant. En tout, 145 millions de dollars pourront ainsi être économisés, mais la décision inquiète déjà les usagers et les syndicats.
« Avec le contexte actuel du centre de transport Saint-Michel qui est en fin de vie, ça nous amène à repenser notre modèle d’affaires », affirme en entrevue la directrice générale du transporteur, Marie-Claude Léonard, qui a annoncé la nouvelle jeudi aux employés, en début de journée.
Elle assure qu’aucun usager ne sera abandonné dans le processus. « Notre principe demeure zéro refus à notre clientèle en transport adapté, donc on va répondre à tous les besoins. C’est simplement que maintenant, on va se baser entièrement sur le taxi. C’est un modèle éprouvé avec des options confortables, agiles, qui constituait déjà une large partie de notre offre », poursuit la gestionnaire.
Les 90 minibus de la STM ne sont en effet plus autant utilisés qu’avant, en raison de l’évolution de l’industrie du taxi en matière de transport adapté ces dernières années, mais aussi des changements d’habitudes. À ce jour, environ 90 % des trajets de la STM sont déjà offerts en taxi collectifs. Il en restait encore 10 % par les minibus.
N’empêche, leur mise au rencart permettra de dégager des économies substantielles, avec 15 millions en exploitation dès l’an prochain. Cela permettra à la société de poursuivre son engagement pris en 2023 de réduire ses dépenses récurrentes d’environ 100 millions sur une période de cinq ans.
À plus long terme, environ 130 millions d’investissements en immobilisation, dont l’électrification de la flotte et la transformation du centre de transport Saint-Michel, n’auront pas à être faits. Total des épargnes : 145 millions. Les chauffeurs des minibus, eux, seront « réaffectés » à d’autres tâches, la planification, l’évaluation et la gestion du transport adapté demeurant sous le giron de la STM.
« Une bombe » pour les usagers
Au Syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM, le président Frédéric Therrien ne mâche pas ses mots pour exprimer sa frustration. « Aujourd’hui, c’est une bombe qui tombe pour nos usagers. Ils veulent faire des économies sur le dos des personnes les plus vulnérables de notre société. C’est insensé », martèle-t-il.
« On va se battre pour notre monde. Ce n’est pas vrai qu’on va laisser la clientèle derrière nous », poursuit M. Therrien, visiblement irrité. « Le gouvernement a laissé tomber le transport collectif et on voit le résultat aujourd’hui », ajoute-t-il.
La cofondatrice et porte-parole du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), Linda Gauthier, avoue aussi avoir certaines inquiétudes.
PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE
Linda Gauthier, cofondatrice et porte-parole du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec
« Pour nous, c’est une mauvaise nouvelle, parce que c’est sûr que la formation aux chauffeurs de minibus est pas mal plus complète que celle des chauffeurs de taxi », soutient-elle.
En règle générale, la formation donnée aux chauffeurs des minibus de la STM est en effet de cinq semaines. Pour les chauffeurs de taxi, elle est d’à peine 16 à 17 heures, déplore Frédéric Therrien.
Linda Gauthier salue néanmoins le fait que la STM semble engagée à « améliorer la formation » des fournisseurs externes. « On sent qu’ils veulent conserver une certaine qualité dans le service et ça, c’est bien, mais en même temps, ils ne pourront pas embarquer quatre, cinq ou six personnes comme avant, donc le service va être plus compliqué pour certaines personnes », dit-elle.
Revoir « la chaîne complète »
Marie-Claude Léonard, elle, ne le cache pas : d’autres économies du genre pourraient être annoncées dans les prochains mois. « On est à regarder toute la chaîne complète d’entretien, les processus d’approvisionnement. On pourrait arrêter de faire des choses qui ne sont pas directement dans notre core business », lance-t-elle.
« Prioriser l’entretien d’un bus, versus un véhicule de service, c’est beaucoup plus dans notre mission », évoque-t-elle pour donner un exemple. La DG cite aussi les véhicules de service ramassant les ordures dans le métro et les centres de transport, dont le nombre ou le rôle pourraient être revus pour économiser davantage.
Sa sortie n’est pas sans rappeler qu’il y a quelques mois seulement, en novembre, les audits de performance commandés par Québec concluaient que les sociétés de transport québécoises pourraient réduire leurs dépenses de presque 350 millions.
Dans son rapport, la firme Raymond Chabot Grant Thornton avait chiffré à 72 millions le potentiel économique de faire plus de sous-traitance dans les sociétés de transport du Grand Montréal. Les experts proposaient notamment d’imiter la pratique d’exo qui sous-traite à l’externe le service de chauffeurs.
Au cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, on salue d’ailleurs la décision de la STM, qui « s’inscrit en cohérence avec la volonté répétée de la ministre de trouver des pistes d’optimisation pour générer des économies dans les sociétés de transport ».