

Publié le 23 juillet
Piéton happé en mars
La STM appelée à « revoir les horaires de travail » de ses chauffeurs
PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
Un système d’évitement de collisions doit être intégré sur les futurs autobus, dit la STM, qui assure aussi avoir pris des « mesures correctives » auprès du chauffeur en particulier.
La Société de transport de Montréal (STM) devrait « revoir les horaires de travail » et aménager des pauses obligatoires pour ses chauffeurs d’autobus, affirme un coroner s’étant penché sur un accident qui a coûté la vie à un piéton en mars.
« Je recommande à la STM de revoir les horaires de travail des chauffeurs d’autobus qui n’ont pas de pauses de repos afin d’y inclure des pauses obligatoires, et ceci dans le but de diminuer les facteurs perturbateurs de la vigilance et le temps de réaction », écrit le coroner Edgard Nassif, dans son rapport portant sur la mort de Mohan Chandran, le 4 mars dernier.
La collision s’était produite peu après 21 h, à l’angle des boulevards Décarie et Édouard-Laurin, dans le nord-ouest de Montréal. Le chauffeur d’autobus roulait sur le boulevard Décarie et aurait tourné en direction ouest quand il a happé mortellement le piéton qui traversait l’intersection.
Dans le rapport du coroner, on apprend que M. Chandran a été victime d’un traumatisme crânien sévère ayant causé sa mort. La victime était en état d’ébriété.
Le coroner note toutefois que « l’inaction du conducteur » de l’autobus après le contact initial « fait en sorte qu’il continue son chemin sur quelques mètres sans freiner malgré le bruit de l’impact et le rétroviseur extérieur qui se rabat ». « S’il se mobilise au premier contact, le piéton ne passe pas sous les roues arrière de l’autobus », illustre M. Nassif.
Des pauses nécessaires
Le cœur du problème, ajoute le coroner, est que l’horaire du chauffeur, qui travaille entre 15 h 37 et 23 h 17, ne lui permet de faire des pauses « que s’il est en avance sur son trajet ». En moyenne, le conducteur lui a confié avoir 60 minutes de pause, mais que tout « dépend du trafic ».
Le 4 mars, il avait eu 58 minutes de pause. N’empêche, « certains chauffeurs n’ont pas de pauses, même pas des pauses pour des besoins naturels », dénonce M. Nassif.
Ce dernier estime que « les angles morts créés par les piliers et le rétroviseur du côté gauche de l’autobus » peuvent être en jeu. Son rapport cite aussi des lampadaires « défectueux » sur le coin nord-ouest de l’intersection, qui « ne permettent pas un éclairage efficace » des boulevards Décarie et Édouard-Laurin. Le fait que le piéton était vêtu de noir et n’a pas non plus réagi serait également à prendre en considération.
La STM, quant à elle, juge que son chauffeur n’a pas appliqué la technique de virage à gauche « tel qu’enseigné » et que le Code de la sécurité routière n’a pas été respecté au panneau d’arrêt. Le transporteur blâme lui aussi les angles morts du véhicule et l’absence de contact visuel avec le piéton.
« Comme nous avons des questions sur le rapport concernant le lien entre les circonstances de l’évènement et la recommandation, nous ne commenterons pas davantage pour le moment », a indiqué une porte-parole de la société, Amélie Régis, par courriel.
Des activités de sensibilisation ayant pour thème la « complexité des virages à gauche » ont depuis été tenues auprès des chauffeurs. Un système d’évitement de collisions doit aussi être intégré sur les futurs autobus, dit la STM, qui assure en outre avoir pris des « mesures correctives » auprès du chauffeur en particulier.
La Ville de Montréal, elle, est appelée à maintenir le système d’éclairage « fonctionnel et optimal » à cette intersection. Le coroner recommande enfin à Piétons Québec de « rappeler aux piétons » leur responsabilité d’assurer leur sécurité aux intersections.
LE SYNDICAT DEMANDE DU CHANGEMENT
Pour le président du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM, Frédéric Therrien, les temps de parcours « compressés » ces dernières années sont devenus invivables. « Avant, pour un trajet d’une heure, on avait environ six minutes pour respirer, aller au petit coin et faire nos affaires. Là, ces 6 minutes servent seulement à reprendre notre temps perdu, donc le chauffeur n’a juste pas de pause bien souvent », dit-il. « On demande aux chauffeurs d’être productifs, d’être alertes, d’être vifs d’esprits, mais on ne leur permet pas de faire leur travail comme il faut. C’est ça qui engendre le plus d’accidents », persiste M. Therrien. « La vérité, c’est qu’on n’a pas de temps. Le temps, c’est de l’argent. Et on manque de financement », conclut-il.